1914 l’Hôpital Bénévole

L’HOPITAL BENEVOLE N°10 BIS DE SAINT-PAUL D’EYJEAUX



Il y a un peu plus d’un siècle, le tocsin sonnait à Saint-Paul comme dans toutes les communes de France pour annoncer le début de la grande guerre 14-18. Avec elle, apparaissait la mort industrielle de masse à laquelle les services de santé n’étaient absolument pas préparés : D’après le rapport Marin, à la fin septembre 1914, l’armée française accuse déjà outre 400 000 blessés évacués, plus de 300 000 tués ou disparus. Près de 40% des morts français de la guerre sont tombés pendant les premiers mois du conflit.
A l’hécatombe des premières semaines succède rapidement le désastre sanitaire. L’armée croule sous le nombre de blessés, dont près de 70% le sont par l’artillerie entraînant des blessures « sales » infectées par éclat d’obus. Les trains et autres véhicules sanitaires sont bondés et en nombre insuffisant, ce qui n’arrange pas les chances de survie des blessés. Les bandages et pansements font également rapidement défaut de même que les sérums antitétaniques.
Le 19 septembre – au lendemain de la terrible bataille de la Marne - le général Pelecier, commandant de la 12e région militaire dont dépend Limoges, recherche des locaux à proximité du train ou du tram pour soulager des hôpitaux militaires surchargés. Or la ligne de tramway de Limoges à Peyrat-le-Chateau, ouverte par les chemins de fer départementaux de la Haute-Vienne (CDHV) avant-guerre, traverse le bourg de Saint-Paul.

Le Populaire du 21 septembre 1914

C’est dans ces conditions d’urgence que l’hôpital bénévole n°10 bis de Saint-Paul-d’Eyjeaux ouvre ses portes le 6 octobre 1914 dans une demeure particulière, semble-t-il avenue de Limoges, à proximité immédiate de la demeure du Dr Boussenot, médecin de Saint-Paul, qui s’occupe des blessés.
La municipalité, dans une réunion extraordinaire du 11 octobre 1914, nomme une commission afin d’« exercer une surveillance vigilante sur la manière dont seront logés, nourris et entretenus les soldats blessés envoyés en traitement ou convalescence dans la commune ainsi qu’à prendre toutes les mesures propres à hâter leur rétablissement ».

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Extrait Conseil municipal Saint-Paul du 11 octobre 1914



Un autre hôpital de 30 places, le « 11 bis », ouvre presque simultanément à Pierre-Buffiére, desservi par le train. Plus d’une trentaine d’hôpitaux bénévoles de toutes tailles ouvriront leurs portes dans le département au cours des mois de septembre et octobre 1914.
Le terme « d’hôpital bénévole » désigne une initiative privée, souvent une œuvre caritative, une congrégation religieuse ou encore une mise à disposition par une commune ou un particulier. Nous sommes dans une période où les dons de tous ordres vont fleurir abondamment. Cet hôpital bénévole est donc une organisation totalement civile rattachée administrativement à un hôpital temporaire à statut militaire (hôpital complémentaire) qui lui adresse ses blessés, malades ou convalescents.
Celui de Saint-Paul dépend de l’hôpital complémentaire n°4 de Limoges (Lycée de garçons Gay-Lussac) de la 12e région militaire. D’une capacité de 20 lits, il semble avoir accueilli essentiellement des blessés des membres inférieurs en convalescence.
Au fil du temps le système sanitaire se restructure complètement et la fin de la guerre de mouvement voit le chiffre quotidien des pertes diminuer. L’hôpital bénévole de Saint-Paul ferme ses portes le 28 novembre 1915. Ses occupants paraissent avoir été dirigés vers les structures sanitaires du Dorat.
Nos connaissances sont hélas lacunaires sur cet épisode de la vie de Saint-Paul, ne serait-ce que son implantation exacte (l’actuel 26 avenue de Limoges ?). Alors si vous avez des connaissances ou des documents sur l’accueil des blessés dans notre commune, n’hésitez pas à vous faire connaître en mairie car il serait regrettable que cette page de l’histoire sombre dans l’oubli.

Merci au site http://hopitauxmilitairesguerre1418.over-blog.com, au SAMHA (service des archives médicales et hospitalières des armées) de Limoges et aux habitants de Saint-Paul qui ont guidé nos recherches.




Le Camp d’Internement

Le camp d’internement de Saint-Paul

Vue générale du camp 1942



Le camp de Saint-Paul avec ses baraques d’une capacité de 1000 personnes était initialement destiné à l’accueil des réfugiés. Il reçoit dès 1940 des opposants à Pétain qui les qualifie « d’indésirables ». Il s’agissait de politiques, d’abord des communistes et des anarchistes puis des socialistes ,des francs-maçons et des gaullistes. Parmi les internés, il y eut de grandes figures de cette époque tragique comme Jean CAVAILLES, chef de la libération sud, le sénateur Georges BRUGUIER ou le député Henri GOUT. Ces deux derniers font parti des quatre-vingts parlementaires qui votent contre les pleins pouvoirs à Philippe Pétain le 10 juillet 1940

Plan du camp (Archives Départementales 87)


Vue d’avion


Vue d’entrée coté Est



En 1941, 245 de ces indésirables des camps de Saint-Paul,de Nexon et de Saint-Germain-les-Belles sont déportés vers les camps algériens via la gare de Pierre-Buffière (une plaque y commémore cet épisode)
A partir d’août 1942 le camp de Saint-Paul reçoit une population plus diverse : aux politiques du début viennent s’ajouter toutes sortes d’opposants au régime de collaboration, pratiquant la désobéissance civile ou soupçonnés d’appartenir à la résistance. L’origine géographique de ces nouveaux internés, beaucoup plus proches de la préfecture de Limoges , indique que l’opposition au régime de Pétain et à sa politique se densifie dans la région.

A gauche, les baraques des "surveillés", à droite, celle des gardiens



Il y a 70 ans, précisément le 11 juin 1944, trois groupes F.T.P. du maquis de GUINGOUIN constituant le détachement de Jumeau-le-Grand décidèrent de libérer le camp de Saint-Paul. En effet circulait alors le bruit d’une menace pesant sur les internés. Nous étions au lendemain des événements tragiques survenus à Tulle et à Oradour-sur-Glane. Sous le commandement des trois lieutenants Gabriel MONTAUDON, dit "TINO", Pierre VILLACHOU et Jean GUERY, 75 maquisards à bord de 3 camions, investirent le bourg et prirent le contrôle du camp.
A la libération, le camp accueillit ensuite des prisonniers de guerre allemands servant de main d’œuvre dans les exploitations des alentours.

Réfectoire des "surveillés"


Pour la petite histoire, à la fermeture définitive du camp, une des baraques acquise par la municipalité en 1949 fut démontée et installée sur le site de l’actuelle salle des fêtes pour servir de restaurant scolaire aux écoles du bourg de Saint-Paul. Cette cantine fonctionnera jusqu’au début des années soixante-dix et l’apparition de préfabriqués à l’école.


(sources : les travaux de l’AFMD sur l’internement en Limousin et ceux de Mme Renée Chabrely sur l’école de Saint-Paul)


DOCUMENTS

Le personnel du C.S.S. de Saint-Paul d’Eyjeaux au 5 janvier 1941(Archives Départementales 87)

Organisation du camp (Archives.Nationales)


Extraits de rapports

Le 16 janvier 1941, Monsieur de Breuvery, Chef du C.S.S. de Saint-Paul d’Eyjeaux, apporte au Préfet de la Haute-Vienne quelques réponses aux questions que celui-ci lui a posées :
« 1°– Situation du camp : à 500 m. du Bourg de Saint-Paul-d’Eyjeaux qui est desservi par un tramway départemental.
2°– Date de la création : 1er décembre 1940.
3°– Autorité qui a décidé la création : Ministère de l’Intérieur,Sûreté Nationale.
4°– Nombre moyen d’internés depuis la création :467 à la date du 15 janvier 1941.
5°– Nationalité et catégorie des internés :Indésirables français »

(Archives Départementales 87,fond 185 W 3/57)




Le 15 janvier 1942, le Préfet inspecteur général des camps et centres d’internement du territoire, André Jean-Faure, adresse en ces termes son rapport au Ministre secrétaire d’Etat à l’intérieur :
« le camp de Saint-Paul-d’Eyjeaux est situé à 20 km au sud-est de Limoges, dans le canton de Pierre-Buffière, à 300 m. environ du chef-lieu de la commune de Saint-Paul-d’Eyjeaux. (…) Le camp avait été d’abord prévu pour des réfugiés. (…) L’arrivée des internés (…) s’effectua (…) le 31 décembre au soir. Le camp est agencé pour recevoir environ 600 personnes. Il y en avait 473 lors de mon passage. Ce sont des internés politiques. (…) Le camp compte 48 baraques ou bâtiments divers dont 38 dans l’enceinte clôturée des internés et 10 dans l’enceinte libre réservée aux Services
du camp et au personnel. (…) Les baraques à affectation de dortoirs peuvent contenir au maximum 40 hommes. »
(Archives Nationales, F/7/15110)

Reportage de France 3 :

https://www.youtube.com/watch?v=5tbyZsT6F9Q


POUR EN SAVOIR PLUS :

Les camps du bocage : 1940-1944, Saint-Germain-les-Belles, Saint-Paul-d’Eyjeaux, Nexon...,Guy PERLIER, Editions Les Monédières, 2009

Le camp fantome, Histoire du camp de Nexon, Film de Tessa RACINE :

https://www.youtube.com/watch?v=-dhzkWeiWns



Le Sentier De Mémoire

Le Sentier de Mémoire du camp d’internement de Saint-Paul

Le sentier de Mémoire a été inauguré le 14 Juin 2014 par la délégation 87 des Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation (AFMD,) et la municipalité de Saint-Paul en présence des derniers témoins, des autorités et de nombreux porte-drapeaux.

Les enfants de l’école ont alors interprété le Chant de la Libération du Camp, le Chant des Partisans puis la Marseillaise avant de déposer une rose sur la stèle à la mémoire des déportés.
Ce sentier est composé de 6 panneaux(ci-dessous) retraçant l’histoire du camp.








Chant de la Libération du Camp de Saint-Paul-d’Eyjeaux :
MP3 - 6.3 Mo


Le Chant de la Libération du Camp de Saint-Paul, chanté par les enfants de l’école publique de Saint-Paul à l’occasion de la fête de la fraternité organisée les 15 et 16 juin 2019

https://www.youtube.com/watch?v=Xps4UmxdeZQ

Pour en savoir plus :

https://afmd.org/fr/delegations.html?code=FR-87



La Course de Côte

La course de côte de Saint-Paul

De nombreux habitants se souviennent du vrombissement qui envahissait le bourg chaque lundi de Pentecôte. Nous sommes dans les années 70 et, à l’initiative de quelques passionnés de sport automobile, l’écurie Saint-Martial de Limoges s’associe au comité des fêtes pour organiser une course de côte à Saint-Paul. La première édition voit le jour en 1972.
Le comité s’occupe de l’organisation de la course avec la préparation du parcours, la mise en sécurité de celui-ci, l’accueil et la restauration des spectateurs ainsi que les relations avec la préfecture pour la fermeture des routes, la mise à disposition de gendarmes et l’établissement de postes de secours. Les employés communaux sont également mobilisés de même que les agriculteurs locaux, fournissant leur aide ainsi que des bottes de paille dont le parcours est abondamment pourvu. L’écurie Saint-Martial gère la partie strictement sportive de l’évènement par son directeur de course et ses officiels.

La course prend rapidement de l’essor : elle figure d’abord dans le championnat régional puis dans le championnat national à partir de 1976. Elle accueillera de grands noms du milieu mécanique parmi lesquels Mamers, Delage, Gourserol ou encore Ligier. Antoine Blondin,venu en voisin, commentera à plusieurs reprises l’épreuve dans la presse.

Le populaire du 2 juin 1979




Le parcours s’établit sur 1600 m : départ arrêté Pont de l’Anguienne et ascension par la D12 direction Linards puis bifurcation à Chambord par la VC avant de reprendre la D12 au Petit Chaleix toujours en direction de Linards. Le circuit quitte ensuite la D12 pour prendre sur la droite la D82 en direction de Saint-Genest. L’arrivée est chronométrée à hauteur de Leycuraudoux. Les concurrents s’élancent chacun leur tour du pont. Une fois tous arrivés en haut, la course est neutralisée pour une descente en convoi. Plusieurs tours d’essais ont lieu le matin avant que la course ne se déroule l’après-midi, elle-même en 3 manches. Le parking et la cour de l’école servent à cette occasion de parc à concurrents et la rue des écoles régule le flot des véhicules.

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La course accueille plusieurs milliers de spectateurs. Le nombre de bolides a volontairement été limité à 100, concourant dans différentes catégories. Des pointes à plus de 200 km/h ne sont pas rares dans les portions droites du circuit, de même que les sorties de route, nécessitant la présence de plusieurs échappatoires. Certains pilotes avalent le circuit en moins de 50 secondes...

Avec le temps, l’épreuve finit par être victime de son succès : les moyens financiers et humains à mettre en œuvre dépassent peu à peu les possibilités d’un bourg comme Saint-Paul et la dernière édition se déroule à l’aube des années 80.




Remerciements à Jacques Pauzat et Pierre Beyroux ainsi qu’à leurs épouses pour leur précieux concours

Le Dieu Gaulois Accroupi

Le Dieu Accroupi D’Aigueperse


Statue de dieu gaulois accroupi, tenant un torque contre sa poitrine.Hauteur 41 cm. La tête a disparu.
Cette statue mutilée fut découverte vers 1890 par des carriers lors de l’exploitation d’un tas de pierre dans un bois dépendant du château d’Aigueperse ou elle fut longtemps conservée. Elle est depuis 1973 au Musée de l’Évêché de Limoges.

http://www.museebal.fr/dieu-gaulois

Le personnage aux bras d’une minceur disproportionnée est assis sur un siège, les chevilles croisées,le buste droit, les bras le long du corps.Il tient dans sa main gauche un torque ,de section ronde,ouvert et à extrémités renflées.Le torque ,ou collier celte, est symbole de puissance et de noblesse.La main gauche est sur la poitrine. Il porte sans doute un autre torque autour du cou. Cette statuette est probablement antérieure à la pénétration des cultes romains et du christianisme.


Le Dépôt 121 de P.G.

LE DEPOT DE PRISONNIERS DE GUERRE DE L’AXE N°121 DE SAINT-PAUL-D’EYJEAUX

Peu après la libération du Camp de Séjour Surveillé (C.S.S) du régime de Vichy par les F.T.P le 11 juin 1944, les infrastructures sont réutilisées pour des prisonniers de guerre allemands. Les premiers sont ceux capturés lors de la libération de Limoges le 21 août 1944. Le camp d’internement devient le dépôt de prisonniers de guerre de l’axe n°121. Ce sera le seul dépôt de prisonniers de guerre de l’Axe de la Haute-vienne.


Quelques images de la libération de Limoges

http://www.cinemathequenouvelleaquitaine.fr/spip.php?film1053

Le 2 octobre 1944 un rapport au consul de Suisse fait état de la présence de 116 allemands dont 7 femmes et 275 russes dont 7 femmes et 5 enfants (les "russes" sous uniforme allemands sont essentiellement des soldats originaires d’Europe centrale enrôlés de force dans l’armée allemande. A la fin des hostilités ils seront remis à l’Union soviétique )
Le camp verra ensuite ses effectifs rapidement grossir car la France réclame dés la fin 44 des prisonniers de guerre (P.G.)à titre de compensation et le gouvernement incite régulièrement les particuliers et collectivités à faire appel à cette main d’œuvre.

Le Populaire du 30 novembre 1944

Sur les 700 000 prisonniers de guerre allemands détenus en France fin 1945, un peu plus de 200 000 ont été capturés sur le territoire français, les autres ont été faits prisonniers en Allemagne et transférés en France entre mai et octobre 1945 par les autorités alliées (Au lendemain de la capitulation du Reich, les alliés font prés de 11 millions de prisonniers préférant se rendre aux occidentaux plutôt qu’aux Russes. Des camps improvisés sont alors établis en plein air, dans des conditions souvent épouvantables).

http://www.ina.fr/video/AFE86003081/debacle-de-la-wehrmacht-camp-de-prisonniers-allemands-video.html

Les prisonniers remis à la France sont pris en charge par le Service des prisonniers de guerre de l’Axe. Ce service dépend à la fois du ministère des Armées et du ministère du Travail. Les attributions respectives des administrations des Armées et du Travail sont définies ainsi : l’autorité militaire est chargée de l’entretien et de la surveillance des prisonniers en instance de placement ou inaptes au travail, alors que le ministère du Travail est chargé du placement de cette main-d’œuvre dans l’économie française (pour la reconstruction, le déminage, dans l’agriculture, dans les mines ou dans des industries diverses)
Le nombre de P.G. au dépôt 121 est très variable car la plupart des prisonniers aptes au travail sont constitué en « Kommandos » de travail accompagnés de gardiens à l’extérieur du camp pour des périodes plus ou moins longues.La plupart travaille dans l’agriculture mais aussi dans l’industrie, les travaux publics et tous les secteurs requérant de la main d’œuvre. L’effectif présent peut donc varier de plusieurs centaines à quelques milliers de détenus.
La catastrophe sanitaire se précise à l’été 45. Le nombre de détenus augmente, Les conditions d’hygiéne sont aussi sommaires que sous Vichy, les soins médicaux insuffisants et la sous-nutrition générale. Beaucoup de prisonniers, comme avant eux les détenus du camp d’internement, prennent le teint jaune lié à la carotène de leur alimentation majoritairement constituée de carottes, et surtout d’un foie carencé. D’après les sources officielles, un prisonnier toucherait en moyenne 1600 calories par jour en août 1945 mais on peut douter de la véracité de ce chiffre. Le chiffre réel est probablement plus proche des 900 calories journalières évoquées par un médecin militaire allemand détenu au dépôt 121 (Stabsartz Hoffmann, source Archives Départementales de la Haute-Vienne). La situation devient si alarmante que la situation des P.G. Est évoqué dans la presse :
« Comme on parle aujourd’hui de Dachau, dans dix ans on parlera dans le monde entier de camps comme... Notre correspondant cite celui de Saint-Paul- d’Egiaux (sic). Mais il apparaît que ce jugement est valable pour beaucoup des camps ou des dépôts français de prisonniers de l’Axe. » (source Jacques Fauvet « Le Monde » du 1° octobre 1945)

L’Echo du 13 Octobre 1945


Une visite du préfet au dépôt 121 tente de relativiser, mais une note des renseignements généraux de Limoges du 12 octobre 1945 signale que « de nombreux prisonniers de guerre allemands en provenance du camp de Saint-Paul-d’Eyjeaux sont employés à Limoges à divers travaux...La maigreur et la faiblesse de ces prisonniers suscite parmi la population des commentaires assez acerbes à l’égard des autorités qui les ont en charge »(Source Archives Départementales 87). Population pourtant peu encline à sympathiser avec l’ancien occupant.

Rapport du commissaire de la République suite à une inspection du camp le 26 novembre 1945 (extrait). Archives Départementales 87


La situation n’est pas propre au camp de Saint-Paul. En effet la majorité des prisonniers de l’axe présents en France ont été rétrocédé par les américains ou britanniques, eux même submergés par un nombre de prisonniers beaucoup plus élevé que prévu. La guerre se poursuivant, les alliés auront le plus grand mal à assumer la charge que représenteront les millions d’allemands faits prisonniers. Beaucoup sont dans un état sanitaire et nutritionnel déplorable. Ces prisonniers avait été réclamé par la France à titre de main d’œuvre pour la reconstruction à venir. Mais du fait de l’état dans lequel se trouve le pays, il lui est en réalité bien difficile d’accueillir un si grand nombre d’hommes. Pour mémoire l’article 4 de la Convention de Genève de 1929 stipule que la puissance détentrice doit pourvoir à l’entretien des prisonniers. En Octobre 1945, la commune de Saint-Paul décide d’acheter un terrain contigu au cimetière pour enterrer les P.G. décédés : « L’assemblée exige que la parcelle soit clôturée le plus tôt possible pour éviter les risques d’accident par les tombes creusées à l’avance » (séance du conseil municipal du 7 octobre 1945) ce qui semble confirmer que l’on ne se fait guère d’illusions. Ainsi est créé ce qui deviendra dans la mémoire populaire « le cimetière des allemands » rapidement couvert de petites croix. La Mairie enregistre une centaine de décès d’août à octobre 1945. Le pic de septembre suggère une épidémie (Typhus probablement, comme dans beaucoup de camps de prisonniers à cette époque). Le plus jeune P. G., Rudolf Naschbandt, est âgé de 17 ans lors de son décès le 10 septembre 1945, et Fritz Brockerman, un des plus âgé, décède le lendemain, 11 septembre, à l’age de 50 ans. La question du ravitaillement ne sera pas résolue avant 1946 mais l’hébergement, l’habillement et l’équipement des prisonniers font aussi défaut. Il ne faut cependant pas oublier que la pénurie alimentaire fait alors partie du quotidien des Français A cette époque de la guerre,au bilan humain s’ajoute un très lourd bilan économique et une grande partie de la France souffre de la faim et du rationnement. Rappelons qu’un civil français, à la même époque reçoit environ 1500 calories journalières. A partir de 1947, les rapatriements vers l’Allemagne commencent et le camp ferme, cette fois définitivement, ses portes en 1949 (Les derniers prisonniers partent en 1948). Il faudra attendre les années 60 pour que les sépultures du cimetière allemand soient relevées et dirigées vers le cimetière militaire allemand de Berneuil . L’ancien « cimetière des allemands » est maintenant inclus dans l’extension du cimetière.

PHOTOGRAPHIES DU CIMETIERE DES ALLEMANDS DE SAINT-PAUL (collection privée, non datée) Probablement automne 1945.
TOMBE DE SOLDATS ALLEMANDS DÉCÉDÉS A SAINT-PAUL, AU CIMETIÈRE MILITAIRE ALLEMAND DE BERNEUIL ( Charente-Maritime)
CARTE DES DÉPÔTS DE PRISONNIERS DE GUERRE DE L’AXE EN FRANCE- EN 1945

Carte de Anne-Laure CHARLES
Doctorante en histoire contemporaine
Laboratoire des Sciences Historiques de Besançon
Université Bourgogne Franche-Comté
Voir son site sur le dépôt n°85 de Besançon
www.pga-besancon.eu

POUR EN SAVOIR PLUS :

Un Million De Prisonniers Allemands En France (1944-1948) par Valentin Schneider, 2011, Editions Vendémiaire.

Les Prisonniers De Guerre Allemands - France, 1944-1949 - Une Captivité De Guerre En Temps De Paix par Fabien Théofilakis, 2014, Editions Fayard.

Archives Départementales de la Haute-Vienne, fond 186 W 1/135

Site internet sur la Mémoire des camps de P.G.A :
http://bastas.pagesperso-orange.fr/pga/index.htm#Sommaire


Documentaire sur l’utilisation de la main d’oeuvre captive des prisonniers de guerre allemands en France après la guerre . Documentaire auquel a participé Anne-Laure CHARLES à partir de ses travaux sur la citadelle de Besançon : " Quand les Allemands reconstruisaient la France" .52 mn.

https://m.facebook.com/HDDocumentary.net/videos/1089439021114423/?_se_imp=29BXxPM45S1kW7NeR




La chanson des "Saint-Paul"

Buvons un coup nous allons chanter
Une chanson de Vérité,
S’il y a un mensonge, c’est celui des "Saint Paul"
Cette pauvre commune, elle vote pour ses maux

Pour bien chanter. faut s’expliquer.
Ses paroles ne pas manger,
Cette pauvre commune est bien de pardonner,
Car par de pauvres têtes, elle est mal dirigée.

Le maire avec son adjoint,
Les conseillers suivant de loin
Et toute la boutique parlant des le matin
Cette pauvre commune est bien dans le pétrin.

Ce n’est pas comme dans le temps,
Ou la caisse avait de l’argent,
Dans ce département, l’était bien renommée
Par un homme de bien, l’était administrée.

Quand il y a une élection,
Ils votent tous sans réflexion.
L’intérêt général, ils ne connaissent plus,
La vieille politique : ils n’parlent que d’écus.

Les Eyjeaux ne sont pas si bêtes
Ils partagent leurs idées
Laissant la politique. quand ils s’en vont voter,
Le bien de la commune ont raison d’regarder ;

Ainsi ne font pas les Saint-Paul
Ils ne connaissent pas leurs maux,
Endettent la commune, sans jamais rien y faire,
Peut-être quelques routes, mais qui ne servent guère.

Pourtant on dit qu’ils ont fait faire
Pour les filles, une école primaire.
Et moi j’ai été voir pour mieux me renseigner,
Dans un désert l’ont mise, n’ai pas pu la trouver.

Maintenant l’moment est’arrivé,
Où les femmes vont gouverner,
Y’en a une p’tite grosse. ils l’appellent Netton
Si elle avait la force semblerait un dragon.

Une autre des grandes Jambes, elle a,
Celle là. on n’la nomme pas,
Ressemble la Tour Eiffel, femme de l’adjoint
Porterait la cocarde et l’écharpe au besoin.

Qui est la cause de tous ces maux
C’est bien Duris et Barnicaud
Si n’ayant pas tant parlé et tant se promené
Lalande serait sorti. personne n’aurait parlé.

Ce texte traduit du patois date approximativement de 1895, et apparemment certains ont mal digéré les dernières élections (celle de janvier 1894 : élection de MM. DUBOST, Maire, et CHABRELY Nicolas, adjoint) ainsi que la construction de l’école de filles qui a suivi.
C’est l’époque de la 3éme République, caractérisée par une grande instabilité gouvernementale et une montée de extrêmes (affaire Dreyfus, boulangisme, Commune de Paris..). Mais c’est aussi une période marquée par la révolution industrielle, les innovations technologiques, accompagnée de grandes évolutions sociales, illustrées par les lois sur l’Instruction, la laïcité, les droits de grève, d’association et de réunion.
Comme l’ensemble du pays, le bourg évolue : La population augmente malgré l’exode rural vers les industries en plein développement (porcelaine...) , grâce à de nombreuses naissances. La création de l’avenue de Limoges est récente et le village quitte son berceau originel bâti autour de l’église pour s’étendre alentour (Les villages d’Artrat et des Rouchilloux sont encore séparés du bourg, d’où le « désert » exagérément évoqué dans la chanson et qui n’est autre que l’emplacement de l’actuelle école). Le commerce se développe, les communications se multiplient (le télégraphe arrive en 1883) et le tram ne tardera pas à apparaître. C’est dire que de profonds bouleversements physiques et mentaux sont en cours dans une société paysanne de culture patriarcale et chrétienne ancienne. N’oublions pas que depuis des siècles, l’immense majorité des habitants naissent et meurent à proximité du clocher sans jamais quitter la commune. Or, depuis quelques temps, ce n’est plus le cas, car la mobilité apparaît.
Ce pamphlet éminemment sexiste et violemment hostile aux élus de l’époque naît dans le contexte particulier des lois Ferry (Jules, celui qui sera à l’origine d’une série de lois sur l’école primaire votées en 1881-1882 qui rendent l’école gratuite, l’instruction obligatoire et l’enseignement public laïque, en même temps qu’elles interdisent l’usage des langues locales).
Rappelons que la loi Guizot du 28 juin 1833 avait créé les bases d’un enseignement primaire où l’instruction publique était assurée par les communes avec l’aide de l’État et de l’Église. Celle-ci était hostile à ce dispositif qui imposait aux « maîtres » des obligations de formation qui lui échappaient et les maires eux, sont souvent rétifs pour des raisons financières, car c’est le conseil municipal qui fixe le montant de la rétribution scolaire payée par les familles et dressent la liste des enfants qui en sont exemptés.Autant dire que le système ne satisfaisait personne. Enfin, l’instruction des filles est peu concernée et généralement à l’initiative d’œuvres religieuses. Puis la loi Duruy de 1867, oblige les communes de plus de 500 habitants à créer une école de filles (d’où la location d’un bâtiment dans le bourg).La commune a néanmoins fait des efforts pour accueillir ses nombreux enfants (création du bâtiment mairie-école de garçons dans le bourg en 1877 et de l’école mixte de La Ribiére qui entre en service la même année ). Mais les lois Ferry font gonfler les effectifs en rendant l’instruction obligatoire,et la commune se trouve alors dans l’obligation de construire une école de fille (voté en conseil municipal depuis 1884) mais l’état des finances n’est pas très bon et le conseil obligé de revoir ses montages financiers. Pour couronner le tout, l’endroit finalement choisit pour cette école n’est autre que le lieu dit « pré du Colombier » annexé au presbytère en 1827, mais depuis considéré comme désaffecté par la commune.Autant dire que dans le climat de tension qui monte entre l’église et les représentants de la République, ce choix suscitera de nombreuses rancœurs . Nous sommes à l’aube de la séparation de l’église et de l’État et, à Saint-Paul particulièrement, une discorde latente et durable s’installera entre pouvoir laïque et religieux (voir l’épisode de la chapelle du champ de foire). L’école de filles ouvre finalement en 1895 et c’est celle-ci, qui au fil du temps deviendra l’actuelle et unique école de Saint-Paul.
Ce texte, violent, mais qui prête maintenant à sourire, souligne aussi que les convictions des uns et des autres, parfois convaincants à force d’être convaincus, ne font pas la vérité du lendemain, et combien les mentalités, allant de pair avec l’instruction ont eu du mal à évoluer dans une époque de changements majeurs. Qu’aurait-on chanté alors d’une femme ministre dépénalisant l’interruption volontaire de grossesse..?

L’école de filles de Saint-Paul vers 1900.



MP3 - 3 Mo
Enregistrement audio de la chanson en patois (M. Marvier)

Il existe évidement différentes versions de cette même chanson.



L’Insurrection de décembre 1851

L’INSURRECTION DE DÉCEMBRE 1851. Saint-Paul, Saint-Bonnet, Linards.

Le matin du 2 décembre 1851, Louis-Napoléon Bonaparte, alors Président de la République Française depuis 3 ans, édicte six décrets et conserve le pouvoir à quelques mois de la fin de son mandat, alors que la constitution de la 2ème République lui interdisait de se représenter. C’est le coup d’état.

Proclamation du 2 décembre 1851.

Des députés appellent aussitôt à la résistance. Rapidement, les préfets, majoritairement Bonapartistes, reçoivent des consignes par le télégraphe. Le soir celui de limoges rappelle toutes les garnisons de gendarmerie rurale (Pierre-Buffiere, Chateauneuf...) vers la ville. Celle-ci est déjà qualifiée de « rouge » à l’époque et il s’agit de la tenir en prévision de soulèvements ouvriers.

A limoges comme dans les campagnes, on sait rapidement que quelque chose se passe, mais les informations précisent manquent : Les premières nouvelles arrivent par la malle-poste, protégée pour l’occasion l’arme au poing par le 5ème régiment de hussard stationné à Limoges.
On soupçonne en effet le préfet de vouloir cacher la nouvelle d’une résistance à Paris, alors que la mobilisation des sympathisants socialistes et républicains est en cours. Les Républicains se réunissent et préparent alors un soulèvement, d’abord dans les campagnes afin de lever des colonnes qui viendraient vers Limoges pour inverser le rapport de forces en présence. Mais on attend surtout des nouvelles de la capitale, et si possible des instructions des députés socialistes Limousins.
Le 4, c’est jour de foire à Saint-Paul, et un messager qui apporte les journaux de Limoges a pu rencontrer le sabotier Léonard Lhermitte, qualifié de « socialiste dangereux » par la police, et ses amis. On peux également compter sur l’entrepreneur Mazaud dont de nombreux ouvriers travaillent sur le chantier de construction de la route de Saint-Paul à Saint-Hilaire (l’actuelle D19) et logent chez l’habitant dans les villages d’ Artrat, du Queyraud ou de La Gratade. Les journaux sont lus en public et commentés, l’agitation gagne.
Mais les nouvelles parviennent également aux partisans de l’ordre établi. Le curé de Saint-Bonnet, François Ruchaud, présent à la foire décide de se rendre chez le préfet pour s’équiper de poudre à fusil pour s’opposer aux séditieux !
Le lendemain, les responsables locaux réunis à Limoges repartent vers leurs cantons respectifs afin de se tenir prêt pour un soulèvement en attendant des émissaires qui donneront l’ordre de passer à l’action. A Saint-Paul, on coule des balles de fusils à Beaumont... .
Le vendredi, les républicains croient recevoir de bonnes nouvelles de Paris, en apprenant l’apparition de barricades et prennent la décision de lancer le soulèvement. Aussitôt des émissaires partent vers les campagnes. En fait ces bonnes nouvelles se révéleront radidement erronées : un soulèvement a bien eu lieu à Paris ou un certain Denis Dussoubs perdra la vie devant une barricade mais l’ordre est rapidement ramené. Dans Limoges, quelques porcelainiers sont également maîtrisés par les Hussards.

Pendant ce temps la, cinq personnes dont François Mazaud et Pierre Bourneix quittent Limoges à pied pour Saint-Paul qu’ils atteindront vers 23h. Ils emportent quelques pistolets, de la poudre et des balles qu’ils distribueront à leurs recrues. Le projet est ambitieux : il s’agit de faire une boucle partant de Saint-Paul en passant par linards, chateauneuf (ou des armes sont à saisir la caserne), puis revenir par Saint-Léonard, se joindre à des groupes venus de Bourganeuf puis prendre Limoges d’assaut. Soit prés de 100 km à pied au mois de décembre...
A Saint-Paul,Mazaud et Bourneix passent la nuit à réunir les ouvriers, et prennent contact avec Lhermitte pour investir le bourg et rameuter ses habitants. Peu avant l’aube, la troupe arrive sur la place de l’église et fait sonner le tocsin -il sonnera jusqu’à l’aube- sous le prétexte fallacieux qu’il y a le feu au village des Ribières. Bourneix harangue les habitants et on chante des chants révolutionnaires. Un certain Martin Rivet d’Artrat s’empare du tambour de la garde Nationale, symbole d’autorité, et on porte le drapeau rouge. Les notables du villages restent prudemment à l’écart mais aussitôt après le départ des insurgés, le maire envoie une lettre au préfet pour signaler les faits survenus dans la commune. Lorsque le jour se lève c’est une trentaine de personnes, ouvriers et habitants de Saint-Paul qui prend la route de Saint-Bonnet par Beaumont (la D12 n’existe pas). Presque tous armés, et au son du tambour et du tocsin, ce groupe commence à faire impression.
Comme par un effet boule de neige, des paysans viennent se joindre à eux, de plus ou moins bon gré, à mesure que le groupe traverse les villages.
Rappelons que les campagnes sont très densément peuplées à cette époque (Saint-Paul compte 2000 habitants, Saint-Bonnet 1500, et la misère ainsi que le mécontentement sont importants). La colonne avance de Beaumont jusqu’à Leycuras, visitant les différents hameaux aux alentours, et arrive sur la place de l’église de Saint-Bonnet en fin de matinée.
Là aussi, on fait sonner le tocsin et on s’empare du tambour. La colonne a largement doublé depuis son départ de Saint-Paul, pour atteindre une centaine de personnes ! On menace le maire mais prudemment, celui-ci ne cherche pas à s’opposer.
En début d’après-midi, la colonne quitte Saint-Bonnet en plusieurs groupes, pour se diriger vers Linards, poursuivant son recrutement dans les villages traversés. Les tambours des gardes nationales de Saint-Paul et Saint-Bonnet sont en tête, Bourneix a passé 2 pistolets dans une ceinture rouge, et le drapeau rouge flotte au bout d’une baïonnette. Ce sont maintenant 2 à 300 personnes qui s’approchent de Linards.
Mais à Limoges les choses ont évolué. Ce 6 décembre, on apprend que la résistance au coup d’état a cessé dans la capitale, et que le soulèvement limousin est donc voué à l’échec. Le préfet a également connaissance de la sédition de Saint-Paul. La ville de Limoges étant maîtrisée, il envoie deux pelotons du 5ème régiment de hussards, accompagnés de gendarmes, à la poursuite des insurgés. Aussitôt, les Républicains envoient des messagers pour donner l’ordre de dispersion aux mouvements en cours. Celui parti pour Saint-Paul sera capturé en route par les hussards... De son côté, le curé de Saint-Bonnet, François Ruchaud, de retour de Limoges, s’élance les armes à la main à la poursuite des séditieux !

La rue des insurgés le long du champ de foire à Linards

Arrivée à Linards, l’ insurrection piétine. Le tocsin sonne mais les notables s’opposent aux insurgés et deux gendarmes arrivés de Châteauneuf tentent de bloquer la route qui sort de la localité. Le temps passe, on tergiverse, le ton monte et quelques coups sont échangés. On hésite cependant à ouvrir le feu. Pendant ce temps, les premiers hussards guidés par des éclaireurs atteignent Linards en milieu d’après-midi. Dès qu’ils repèrent l’attroupement, ils chargent pour bénéficier de l’effet de surprise. Rappelons que le bourg ne présente pas la physionomie actuelle avec cette grande ligne droite. A l’époque, on entre par l’actuelle rue de Soufflenheim avant de déboucher sur la droite vers la place de l’église. La charge est donc violente dans cette rue du haut du bourg de quelques mètres de large. Des coups de feu sont échangés, la foule, surprise, est bousculée par les chevaux, et la cavalerie se déploie sur l’actuel champ de foire pour rattraper les fugitifs qui tentent de s’échapper ou de se cacher dans le bourg. On comptera une dizaine de blessés plus ou moins graves. On procède aux arrestations. Les prisonniers sont entassés dans l’école et seront rejoints au fur et à mesure par d’autres insurgés. Ceux-ci, dans l’ignorance de l’arrivée des hussards, rejoignaient Linards pour se joindre à l’insurrection et seront accueillis par la cavalerie ! Les Hussards campent dans le bourg pour la nuit car ils craignent des renforts d’insurgés. Partout, des gendarmes procèdent aux interpellations autour du bourg et dans les communes où des débuts d’insurrection ont été interrompus sur contre-ordre des messagers. Les interrogatoires commencent à Saint-Paul, Saint-Bonnet et Linards. On cherche les meneurs, l’instruction débute et les prisonniers sont bientôt transférés à la prison de Limoges.

Le Courrier de Limoges du 19 décembre 1851

Au final, une centaine de personnes seront inculpées par une commission mixte (civile/militaire) créée pour l’occasion dans tous les départements où eurent lieu des séditions. 11 inculpés sont de Saint-Paul, dont 4 seront condamnés à l’expulsion. D’autres feront de la prison. Les meneurs Bourneix et Mazaud seront condamnés, le premier au bagne en Algérie, le second à l’expulsion.

Liste des condamnés à l’expulsion de Saint-Paul (Expulsion signifie expulsion à l’étranger, Angleterre et Belgique dans les cas présents )

C’est la seule insurrection au coup d’état qui aura lieu dans la région, et cette étonnante histoire, aujourd’hui oubliée de la mémoire populaire, aurait pu s’arrêter là si, 30 ans après les faits, après la chute du second empire, la République restaurée ne s’était rappelée de ceux qui s’étaient opposés au coup d’état du 2 décembre. Des commissions examinèrent les dossiers en vue de réparations en retenant le principe de versement par la République d’une récompense à ses anciens défenseurs. Concrètement il s’agissait de pensions versées aux anciens insurgés (ou à leurs descendants) en fonction des préjudices subis. 3 insurgés de Saint-Paul se virent attribuer des pensions variables.




Pour en savoir plus :

https://issuu.com/canton-chateauneuf/docs/5-1851

http://tristan.u-bourgogne.fr/inculpes/WEB/1851_accueil.html



La Chapelle du Champ de Foire

La chapelle du champ de foire, cause de discorde.


Vue de la chapelle (en arrière-plan) depuis la rue du 11 novembre



Cette chapelle autrefois sise dans le cimetière se trouve sur ce qui est devenu le champ de foire que nous connaissons aujourd’hui, à proximité immédiate de l’actuel restaurant « les deux cygnes ».
L’histoire commence le 4 février 1906 : le Conseil Municipal, en effet, a décidé sur proposition d’un de ses membres et à la majorité, de faire démolir une petite chapelle située sur le champ de foire, à l’extérieur du cimetière, « attendu qu’elle est une gêne pour le commerce les jours de marché et qu’elle occupe un espace qui serait très nécessaire pour placer le bétail ».
La propriétaire Madame de La Biche a aussitôt fait savoir au maire qu’elle s’oppose catégoriquement à cette résolution et obtient le soutien de George Fourest.
Il faut préciser le contexte très tendu de l’époque car depuis le 11 décembre 1905, la loi de séparation des églises et de l’État est promulguée. Il faut faire les inventaires des biens de l’église, provoquant parfois, comme à Saint-Paul, une discorde durable entre le pouvoir laïque et le pouvoir religieux.
Ainsi, lors d’une session extraordinaire du 23 décembre 1906, le maire soutient que la commune reste libre de disposer du presbytère. C’est ainsi que le Conseil Municipal, à la majorité,
« considérant que le clergé français préfère se soumettre aux ordres du pape plutôt qu’aux lois de son pays » refuse de louer le presbytère au curé. Celui-ci se voit invité à l’abandonner « dans un délai de huit jours, à compter du 24 décembre courant ». Le curé avait pourtant offert 100 francs de loyer mais cela n’est pas jugé suffisant. Le 27 février suivant, c’est même « l’attribution de la jouissance gratuite de l’église » qui lui est interdite.

C’est dans ce contexte brûlant que la chapelle du champ de foire va défrayer la chronique de Saint-Paul pendant des années avec ses partisans et ses adversaires.
Après la délibération du 4 février 1906, le Conseil Municipal n’a nullement l’intention de laisser traîner l’affaire : le 5 août, il décide d’informer les requérants qu’ils « auront à produire au maire de Saint-Paul les titres de propriété sur cette chapelle et cela dans un délai de 40 jours à partir du 4 septembre 1906 ». Madame de La Biche, propriétaire, toujours soutenue par Georges Fourest parvient à obtenir, d’abord un délai, puis le maintien de la chapelle.
Le 16 août 1908, le Conseil Municipal confirme ses délibérations de 1906 et fait de nouvelles et pressantes démarches auprès du préfet de la Haute-Vienne pour que la chapelle, « qui est une gêne pour le commerce local », soit enlevée aussitôt que possible, mais la situation n’évolue pas.
Le 17 mars 1912, le nouveau maire de Saint-Paul, Léonard Bourru, soumet derechef à son conseil le dossier relatif à « son enlèvement » et fait savoir que Madame de la Biche devra « faire connaître ses intentions dans les délais légaux ».
Là encore la situation n’évoluera pas, mais entre-temps la chapelle tombe en ruine. Il faudra attendre 1928 pour que le fils de Mme de la Biche s’entende avec la municipalité pour la démolition de la chapelle, après accord sur ses exigences.
Le 19 février 1928, le Conseil Municipal prend la délibération suivante :
« Considérant que la démolition de ce monument, qui présente à l’heure actuelle un véritable danger public est demandé par toute la population, le Conseil Municipal décide :
– 1 de donner à la famille de la Biche une nouvelle concession perpétuelle dans le cimetière.
– 2 de faire transférer les restes, en présence de clergé et aux frais de la commune.
– 3 de faire démolir le monument par les soins du service vicinal qui, de ce fait sera en mesure d’élargir le chemin allant de Saint-Paul à la Geneytouse ».

Délibération du conseil municipal du 19 février 1928.


Ainsi, après 22 ans de palabres, d’admonestations, voire d’invectives, un terrain d’entente a enfin été trouvé. La petite chapelle funéraire, fondée à la fin du XIVe siècle, est démolie. Deux pierres tombales sont transférées dans le cimetière et une piéta, ou Vierge de Pitié, dans l’église paroissiale. Cette Piéta est connue sous le nom de Notre-Dame-de-Pitié, à laquelle était précisément dédiée la chapelle disparue.

La Pieta ou Vierge de Pitié (classement MH)

(Sources : travaux de Gilbert Beaubatié et ceux de Geneviève Chabrely)
Les parties en italiques sont issues des délibérations des conseils municipaux.

Armoiries

Armoiries de Saint-Paul