Histoire de chaises

Nous reproduisons cet article issu des travaux de Mme Soulignac concernant les chaises de l’église de Saint-Paul et leur histoire. Texte publié en 1993 dans les Cahiers Historiques.



HISTOIRE DE CHAISES A L’ÉGLISE DE SAINT-PAUL

La révolution ayant apporté toutes sortes de bouleversements, Napoléon essaya de ramener l’ordre en France dans tous les domaines.

En ce qui concerne l’Eglise différentes mesures ont été prises et notamment la création des Conseils de Fabrique dans chaque paroisse Décret Impérial du 30 décembre 1809. C’est pourquoi, à Saint-Paul, le 4 avril 1811, à la maison presbytérale sont réunis :

- M. François Julie, prêtre, Geoffroy Jarri de Lille, maire tous deux membres de droit du Conseil de Fabrique.

- Jean Léonard Dalesme d’Aigueperse et Barthélémy Imbert, aîné, nommés membres de la même Fabrique par Monsieur Le Préfet, suivant sa lettre du 26 octobre 1810.

- Jean-Baptiste Navières de la Boissière, Etienne Fougeras Lavergnolle, Charles François Bruchard de la Pomélie, nommés par Monseigneur l’Evêque, suivant sa lettre du 4 novembre 1810.

Les Membres et Conseillers de la Fabrique devaient se réunir au moins une fois l’an pour examiner les comptes des recettes et dépenses de la paroisse. Entretien des bâtiments de toutes sortes : église, clocher, maison presbytérale, cimetière, etc… et, dans l’église même tout était à remettre en ordre : objets du culte et ornements, statues, vitraux et même chaises et bancs.

On sait ainsi qu’en avril 1819, deux bancs ont été faits pour l’église par Jean-Baptiste Valière, menuisier, pour la somme de 18 francs. Un serait pour la Fabrique, l’autre pour la Municipalité. Ce sont ceux qui sont encore dans le chœur de l’église. Faits pour l’emplacement qu’ils occupent, ils sont solides en chêne noirci par le temps, l’encaustique et les cierges. L’un à six places, l’autre quatre ayant été raccourci. A dossier droit, plein, de 5.5 cm d’épaisseur, ils mesurent respectivement 3.90 m de long et 2.60 m pour 1.40 m de hauteur totale. Ils sont divisés par des accoudoirs – chaque place mesure 0.56 m de large pour 0.32 m de profondeur à 0.42 du sol – les pieds extérieurs sont massifs, carrés, avec les côtés chanfreinés, les quatre pieds intérieurs sont ou carrés ou rétrécis dans le bas. Chaque place a son dossier particulier avec un bandeau rectangulaire allongé à la hauteur de la tête et un autre carré au-dessous. Le bandeau supérieur du banc est d’une pièce : 3.90 m. On est bien assis.

La nef reste vide, mais peu à peu chacun apporte sa chaise et même l’y laisse. Beau sujet de disputes ! Un membre du Conseil de Fabrique propose alors, à la réunion de 1er janvier 1821, de fixer le prix d’une chaise, pour l’année, à 1 franc, ce qui est adopté. Ce prix sera porté à 1.50 franc en janvier 1827.

Quatre autres bancs, plus simples que les premiers puisqu’ils ne coûtent que 8.20 francs, planches et façon, sont posées en 1829. Sans doute pour ceux qui n’avaient pas leur chaise et ne pouvaient rester debout durant tout l’office.

Au 31 décembre de chaque année on payait sa ou ses chaises. M. d’Aigueperse en avait trois, ainsi que M. Ardant qui paya même 13.50 francs en juin 1830 pour les arrérages de ses chaises. M. Navière Durieupeyroux et Mme Moufle en avaient deux. Les autres se contentaient d’une, c’était MM. Dorat, Imbert, Nicot, Duboys, Mme Guérin du Moulin et les nièces du Curé Chassaing, puis les 1.50 franc de la boulangère, de la Jeannette du bourg (qui est l’aubergiste), de Jeanne Demaison, de Pétronille Marquet, de Mme de Bruchard, Mme Navière de la Boissière, M. Guérin, jeune, Jeanne Chabrier, etc… M. Boudet de Gentaud paie 5 francs la chaise de « Mme son épouse » à partir de 1833.

Au fil des années le nombre de propriétaires de chaises augmentent et les autres voudraient bien s’asseoir pendant les offices, aussi le 22 mars 1835 est procédé à l’adjudication d’une ferme des chaises de l’église au plus offrant. C’est Antoine Calet, fossoyeur, qui l’emporte pour 37 francs par an et pour 5 ans. Les personnes qui fournissent leurs chaises ne paient que 1.50 franc comme auparavant – les autres abonnements seront à la volonté du fermier qui ne devra pas prendre au-delà d’un sol par chaises et par personne – aux non abonnés qui assisteront aux offices.

Il faut croire que l’affaire était bonne car en 1844 la veuve Calet payait toujours la ferme des chaises, puis une marguillière prit la suite pour ces « chaises roulantes ». Les prix ne bougeront pas jusqu’en 1855.

Peu à peu les habitués de l’église eurent leur propre chaise avec souvent leur nom gravé dans le bois ou sur une plaque de cuivre et une chaisière n’oubliait pas de réclamer son dû à toutes personne étrangère et ce jusqu’à la guerre de 1939 environ.

Et maintenant qui paie les chaises et leur entretien ?

Madame Y. SOULIGNAC




Les Maires de Saint-Paul

C’est la Révolution française qui crée un cadre juridique uniforme sur la totalité du territoire, et institue la création de communes, chargées de gérer le territoire des paroisses qui structuraient jusqu’alors le territoire français.
De 1789 à 1799, les agents municipaux (maires) sont élus au suffrage direct pour 2 ans et rééligibles.
De 1799 à 1848, la Constitution du 22 frimaire an VIII (13 décembre 1799) revient sur l’élection du maire, qui sont nommés par le préfet pour les communes de moins de 5 000 habitants. La Restauration instaure la nomination des maires et des conseillers municipaux. Après 1831, les maires sont nommés (par le roi pour les communes de plus de 3 000 habitants, par le préfet pour les plus petites), mais les conseillers municipaux sont élus pour six ans.
Après la Révolution de 1848, et jusqu’en 1851, les maires sont élus par le conseil municipal pour les communes de moins de 6 000 habitants.
La Deuxième République prévoit, en 1851 la nomination des maires par le préfet, pour les communes de moins de 3 000 habitants et pour cinq ans à partir de 1855. Ces règles s’appliquent pendant le Second Empire.
Après la chute du Second Empire, la Troisième République instaure en 1871 l’élection des maires et maires-adjoints de la plupart des communes par leurs conseils municipaux et en leur sein, à la suite de l’élection des conseillers municipaux au suffrage universel.
Actuellement le maire est élu à scrutin secret parmi les conseillers municipaux, au cours de la première réunion du conseil municipal qui doit se tenir entre le vendredi et le dimanche qui suit l’élection complète du conseil municipal.

1790-1791 : FOUGERAS-LAVERGNOLLE Étienne.
1791-1793 : BEAURE Antoine (curé-vicaire).
1793-1793 : MOUFFLE Léonard.
1793-1795 : GUERIN Léonard .
1795-1796 : MOUFFLE Léonard.
1786-1800 : IMBERT Pierre.
1800-1813 : JARRIT-DELILLE Geoffroy.
1813-1815 : DALESME de RIGOULEME Jean.
1815-1815 : FOUGERAS-LAVERGNOLLE Étienne.
1815-1821 : DALESME de RIGOULEME Jean.
1821-1830 : DALESME d’AIGUEPERSE Gabriel.
1830-1841 : FOUGERAS-LAVERGNOLLE Louis.
1841-1843 : IMBERT Jean-Baptiste.
1843-1859 : FOUGERAS-LAVERGNOLLE Louis.
1859-1883 : FOUGERAS-LAVERGNOLLE Étienne.
1883-1894 : GUERIN Léonard.
1894-1898 : DUBOST Antoine.
1898-1904 : FOUGERAS-LAVERGNOLLE Auguste.
1904-1910 : REDON Maurice.
1910-1912 : BOURRUT Léonard.
1912-1925 : FOUGERAS-LAVERGNOLLE Auguste.
1925-1941 : BOURZAT Jean-Louis.
1941-1944 : SOULIGNAC Pierre (Président de la Délégation Spéciale).
1944-1945 : BOURZAT Jean-Louis.
1945-1947 : SOULIGNAC Pierre.
1947-1971 : MOURET André.
1971-2001 : ROUX Jean-Gilbert.
2001-2014 : DUCHEZ Paul.
Depuis 2014 : ROUCHUT Josiane.




Histoires de Pierres

HISTOIRES DE PIERRES A SAINT-PAUL

La réutilisation de matériaux issus de bâtiments abandonnés ou en ruine à de tout temps existé. Ancienne construction gallo-romaine (la Boissière) ou religieuse (prieuré, abbaye) Rien de tel qu’un vieux bâtiment comme carrière de pierres. C’est pratique et courant au cours de l’histoire, ce qui explique que l’on retrouve parfois des pièces très anciennes dans des constructions plus récentes. Saint-Paul n’échappe évidement pas à cette commodité.

La plus connu étant le cadran solaire sculpté dans la pierre à la base du chevet de l’église. Il n’est pas a exclure une origine antique beaucoup plus ancienne, avec récupération dans la villa gallo-romaine toute proche de la Boissière, dont des vestiges était encore visibles au début du 20 ième siècle.

Cadran solaire sculpté dans la pierre à l’extérieur de l’église, à la base du chevet et sur la gauche de celui-ci.

Le prieuré du Népoulaud a lui aussi servi de réserve à matériaux. Cet ancien prieuré de femmes fut uni en 1619 au collége des Jésuites de Limoges (l’actuel lycée Gay-Lussac). En 1759 l’emplacement fut baillé au seigneur de Bost-vigier avec la charge pour celui-ci d’employer les matériaux provenant de sa démolition aux réparations de l’église paroissiale. Subsiste pourtant le mur du chevet de sa chapelle, aujourd’hui inclus dans une habitation.

Mur du chevet de l’ancienne chapelle du Prieuré du Népoulaud, percé d’une étroite baie romane

Linteau de porte à Nontyon. Réemploi d’une pierre tombale : La présence d’une croix et d’une crosse indique un abbé ou une abbesse. L’hypothése la plus probable et le réemploi de la pierre tombale d’une abbesse issue de l’Abbaye de religieuses Bénédictines des Allois. Cette Abbaye à été fondée vers 1137 et dirigée par des abbesses. En 1750 les religieuses seront transférées à Limoges. L’Abbaye est détruite à la révolution et sert ensuite de carrière de pierres.


Linteau à Nontyon



La Marianne de Saint-Paul

Le 29 décembre 1892, M. Léonard GUERIN, maire de Saint-Paul (de 1883 à 1894) reçoit officiellement un buste de Marianne pour la décoration de la mairie.
La commune doit s’acquitter de la somme de 28,45 Francs de frais d’emballage et de transport. Le coût du buste, c’est à dire 37,00 Francs, est pris en charge par le ministère de l’instruction publique et des beaux arts (les Mariannes étaient généralement offertes par l’état, après demande du conseil municipal auprès du préfet).

Marianne est le symbole allégorique de la République française, et par extension de la France. C’est la Convention, en 1792, qui décide de représenter la République sous les traits d’une femme coiffée du bonnet phrygien de couleur rouge, emblème de la Liberté. Elle représente la France libérée de la monarchie absolue. Mais son installation fut progressive dans les mairies françaises et date de la fin des années 1870, lorsque les républicains installent définitivement la troisième république.
Plus prosaïquement, en 1792, quand la monarchie fit place à la république, il fallut remplacer l’effigie du roi par un symbole visuel « afin que nos emblèmes, circulant sur le globe présentassent à tous les peuples les images chéries de la Liberté et de la fierté républicaine » selon le mot de l’abbé Grégoire à la Convention.
Le surnom familier de Marianne apparaît à la même époque, sans doute parce que ce prénom, formé du nom de la Vierge et de celui de sa mère, Anne, était très répandu dans le petit peuple au XVIIIe siècle, et qu’il convenait donc à la jeune République qui en était issue. Elle symbolise la "Mère patrie", la mère nourricière qui protège les enfants de la République. Inversement, Marianne était péjoratif pour les aristocrates car elle représentait le peuple.
Il n’y a jamais eu de buste officiel de la République. Chaque sculpteur est libre de représenter Marianne à sa façon, et chaque maire est libre de choisir son modèle. Ainsi s’explique l’extraordinaire diversité des bustes de mairie. C‘est récemment que la mode a voulu qu’on donne à Marianne les traits d’artistes célèbres (à partir des années 60).
Celle de Saint-Paul est une Marianne crée par le sculpteur Jean-Antoine INJALBERT en 1889 à l’occasion du centenaire de la Révolution française pour honorer une commande de l’état. Ses reproductions sont un des types de Marianne les plus répandus dans les mairies et les écoles françaises à la fin du XIXe et au début du XXe siècle.

Notre Marianne est un modèle en plâtre, d’un gabarit assez imposant, moulé par l’atelier de moulage Pouzadoux et fils à Paris en 1892. Il en existe plusieurs versions de tailles et matières différentes : en bronze, en biscuit porcelaine dure exécutée par la manufacture de Sèvres et en plâtre, peint ou non.
C’est un buste à l’antique de Marianne, coiffée d’un bonnet phrygien, aux bords relevés, et avec une cocarde. Elle porte une écharpe à motif d’écailles et à mufle de lion, symbolisant la force du peuple. Robuste et vigoureuse elle est plus combative que nombre de ses autres représentations. Sur le socle, sont présentes, dans un cartouche, les initiales de la République française. La signature et la date sont placées sur le côté gauche de la statue, et la marque d’atelier est située au revers.

Marianne, née de la Révolution, suit les vicissitudes de l’histoire. Elle est mise à l’écart de 1800 à 1870 (Consulat puis Premier Empire, Restauration et monarchie de Juillet). La IIe République ne la ramène au pouvoir que pendant quatre ans (1848-1852). Avec le second empire, la République disparaît et Marianne entre dans l’opposition. C’est la IIIe République qui l’installe durablement. Sous Vichy, Marianne entre dans la Résistance, disparaît de tout l’espace public, et les miliciens lui font la chasse dans les mairies. Mais avec le retour de la République, à la libération, elle retrouve sa place.



Pour couronner le tout, Marianne est également victime de la mode. On lui préfère parfois des actrices, ce qui lui vaut un nouveau passage au grenier. Certains maires lui préfère la Marianne d’après Catherine DENEUVE, acquise dans les années 90, jugée plus moderne...et surtout moins encombrante !
Puis elle redescend, on la dépoussière, le dernier en date avec une brosse à dents (véridique). Répertoriée au Centre national des arts plastiques, elle est maintenant revenu dans l’endroit pour lequel elle avait été initialement crée, c’est à dire la salle du conseil.

La Marianne de Saint-Paul en pleine épidémie de coronavirus (avril 2020).




La crèche

LA CRÈCHE DE SAINT-PAUL

En 1977, Mr Eybert, médecin à Saint-Paul et passionné d’histoire, retrouve dans le presbytère plusieurs personnages de crèche, probablement remisés en raison de leur vétusté. Il s’agit d’une dizaine de santons de différentes tailles, allant de 40 à 70 cm et habillés soigneusement. Il y a 4 femmes et 5 hommes.

Ces personnages présentent des tailles et structures assez variées, la majorité semble composée de têtes en plâtre peint, mais aussi en porcelaine ou en papier mâché. Les corps sont composés d’une armature en crin, et chaque personnage est muni d’un socle en bois. Ces santons représentent des personnages de la société villageoise et leurs métiers, habillés à la mode du temps.

Ces sujets datent au moins du début du XIXème siècle pour les plus anciens. Ces chef d’œuvres d’Art Populaire sont généralement de fabrication locale et ne sont pas sans rappeler les personnages de la crèche de Vicq-sur-Breuilh. Ils étaient probablement très répandus dans les crèches des campagnes d’autrefois et souvent restaurés localement au fil du temps, mais bien peu de ces personnages traditionnels sont parvenus jusqu’à nous.



Détails des neuf personnages :
- Le chabretaire : C’est le plus grand des personnages (72 cm). C’est très certainement le plus ancien (fin XVIIIème ?) avec une tête en papier mâché disproportionnée par rapport au corps. La chabrette elle-même paraît d’un type très ancien.
- Le meunier (ou mendiant ?) autre grand personnage (71 cm) avec un sac blanc vide curieusement porté devant.
- 3 paysans, ou bergers, assez similaires par leurs tailles (autour de 45 cm) et leurs costumes. Probablement de même génération. Finement habillés en gilet et habit à longues basques, culottes dites à la française, fins sabots de bois avec lanière en cuir, style tout début du XIXème.
- La bergère (ou paysanne) de grande taille (60 cm) avec un grand manteau. C’est en fait une tête sans corps, avec une mante à capuchon, ce qui fait penser à une bergère. Très probablement plus ancienne que les autres figurines féminines.
- 3 paysannes, sans doute toutes de même génération vu les similitudes de tailles (autour de 45 cm) et d’habillement finement réalisés, portant le barbichet, jupe large et châle. L’une porte une croix au cou.



Ces sujets entourant les crèches d’autrefois, c’est à dire avec des personnages issus du quotidien du village, étaient fréquents, pour ne pas dire généralisés. Fabriqués et/ou habillés localement.

On sait grâce à Mme Soulignac que l’Abbé Chassaing, curé de Saint-Paul de 1821 à 1875 achète en 1837 quatre bergers à Limoges, qu’il fait habiller, et 3 autres aux religieuses Clairettes (couvent de Saint-Yrieix ?). Certains sujets ont manifestement disparus, si l’on suppose que ceux restant sont ceux achetés à cette époque. ..
On sait également que les 3 paysannes (ou bergères) les plus récentes sont habillées par des jeunes filles de Saint-Paul, et présentées dans la crèche pour la première fois en 1929.

Ces santons ont été nettoyés et restaurés entre 1978 et 1980 par des habitants du village. C’est par exemple le cas du chabretaire, dont les mains sont alors tellement dégradées qu’il faut les remplacer. C’est M. Barget Henri, dit Eugéne, qui est sollicité pour, entre autres réparations, une nouvelle paire de mains en bois.

Depuis le signalement effectué par M. Eybert, ces personnages, appartenant juridiquement à la commune de Saint-Paul, sont inscrit aux Monuments Historiques au titre objet, et protégés depuis 1978.
Si vous passez à l’église de Saint-Paul à la période de Noël, n’hésitez pas à allez voir ces sujets surgis du passé. C’est les chefs-d’œuvres de nos ancêtres du village, créés il y a bien longtemps, et entretenus au fil du temps par d’autres anciens de Saint-Paul..

Sources :
Dr J. Eybert. « Bergers de l’église de Saint-Paul », Bulletin de la Société Archéologique et Historique du Limousin, 1977, et Mme Soulignac « la crèche de Saint-Paul » Les cahiers historiques, 1987.




Saint-Pol 1569

Le temps des calamités.

Le dernier jour de février 1599, Joseph Germain de La Pomélie, faisait la déclaration suivante, devant témoins, chez Maître François Bonnet, notaire à Saint-Pol :« Noble Joseph Germain de la Pomélie, écuyer, a perdu tous ses documents familiaux dans l’incendie qui a eu lieu à la saint Jean-Baptiste 1569, tant par les armées du roi que celles de la réforme, qui prirent et reprirent plusieurs maisons du bourg, brûlèrent en partie et pillèrent la maison noble de la Pomélie. Les témoins ont attesté avoir vu brûler et piller cette maison et même tuer une fille de La Judie d’un coup d’arquebuse.  »(1).
En 1569, nous sommes en pleine guerre de religion, et le Limousin, plus particulièrement nos cantons de Pierre-Buffière et Saint-Léonard, en deviennent le théâtre d’opérations principal.L’instabilité politique et l’insécurité sont chroniques dans une région qui se remet difficilement des souffrances issues de la guerre de Cent ans au siècle précédent, avec son lot de calamités : les disettes sontfréquentes et les épidémies récurrentes (la peste est à Limoges en 1563 et la chronique rapporte «  1800 morts de contagion »(2) en 1565 à Saint-Léonard). L’insécurité est durable : des ponts-levis font leur apparition aux ponts Saint-Étienne et Saint-Martial de Limoges en 1567 pour se protéger des bandes.Dans les campagnes, la militarisation va croissante. Les villageois fortifient quelques demeures et leur église, comme celle de Saint-Pol, car c’est bien souvent le seul édifice de la paroisse ayant quelque apparence de solidité. Les vestiges encore visibles suggèrent des travaux effectués par des paysans et des artisans ruraux, sur des défenses héritées de la guerre de Cent ans, qui sont remaniées : les murs sont presque aveugles, avec des couronnements défensifs, parfois des canonnières et des archères.

Chevet de l’église : Les contreforts carrés constituent de véritables tours d’angle, avec des corbeaux en quart de rond qui ont dû supporter un hourdage.


La chronique rapporte également des hivers rigoureux et neigeux, comme celui de 1572-73 qui vit «  les vignes et les noyers geler, et il y eut si grande disette que le setier de seigle se vendait 10 fr  »(3). Rappelons qu’à cette époque des vignes poussent sur les coteaux de toutes les communes (le « chemin des Vignes » de Saint-Paul en garde le souvenir).
Mais nous sommes dans le « petit âge glaciaire » depuis le XIVe siècle avec des baisses de moyennes de température très nettes par rapport à celles que nous connaissons depuis la fin du XIXe siècle. Le sol du Limousin est pauvre, et la nature difficile. C’est pourtant vers nos actuels cantons que se dirigent plusieurs armées aux dimensions considérables pour l’époque (environ 25 000 hommes de chaque côté).

Carte de Limosin par Christophe Tassin en 1634 (source Gallica NF)

Au printemps 1569, la guerre fait retour dans le Limousin et la Marche. Au moment de la troisième guerre de religion, l’armée protestante commandée par Coligny (accompagné du jeune Henri de Navarre, futur Henri IV, âgé de 16 ans) arrive de l’Ouest et se rapproche de provinces partiellement acquises au protestantisme, surtout à la campagne. Arrive en renfort de l’Est, et précédé d’une réputation détestable, le corps expéditionnaire du duc de Deux-Ponts, venu d’Allemagne pour faire sa jonction avec l’armée protestante.
L’armée royale et catholique du roi Charles IX, conduite par le duc d’Anjou, frère du roi, s’interpose et arrive du Nord. Le 9 juin, il est à Limoges. Cette armée est renforcée de troupes italiennes envoyées par le pape Pie V qui remontent du Sud et passent par Linards et Saint-Bonnet en direction de Pierre-Buffière. (La reine Catherine de Médicis est à Limoges le 19 juin pour s’entretenir avec le commandant italien).
En fait, lorsque les armées royale et allemande se présentent dans le nord du Limousin, elles sont d’abord lancées dans une course poursuite, chacune voulant empêcher l’autre de franchir la Vienne et de se saisir de Limoges. Des escarmouches ont lieu avec des troupes catholiques envoyées de Limoges le 29 mai 1569 et commandées par «  le capitaine Massès se portant en avant avec quelques compagnies attendre l’ennemi à Saint-Léonard  »(4) pour empêcher le passage de la Vienne. Les troupes allemandes du duc de Deux-Ponts parviennent néanmoins à traverser le fleuve à Saint-Priest-Taurion et imposent une garnison à Saint-Léonard.
Pendant ce temps, les seigneurs locaux choisissent chacun leur camp. Les seigneurs de Pierre-Buffière, ceux de Linards et de Bonneval penchent pour les protestants. Limoges est maintenant solidement tenue par les catholiques. Les escarmouches entre les différents partis sont fréquentes et les accrochages récurrents sur ce territoire.
Les troupes allemandes du duc de Deux-Ponts se comportent comme une armée en croisade, et de manière méthodique, pillent et incendient les abbayes, monastères, prieurés et églises qui se trouvent sur leur itinéraire (abbaye de l’Artige, monastères d’Aureil, des Allois et de Solignac).
Les différents corps se retrouvent finalement pour la bataille de La Roche l’Abeille. Celle-ci a lieu le 25 juin. Elle est perdue par les catholiques mais n’a rien de décisif.
L’armée catholique meurt de faim dans ce pays qualifié de « stérile »(5) déjà ravagé par les protestants. Les mercenaires du duc d’Anjou refusent de combattre déclarant «  qu’ils ne pouvaient combattre à jeun  »(6). Mais de leur côté, les protestants souffrent tout autant et cherchent à gagner la Dordogne plus clémente.

Départ de souterrain remblayé, qui s’enfonce. Sous l’ancien presbytère, direction l’église.


On sait quelle était l’indiscipline des gens de guerre au XVIe siècle, souvent mercenaires, au ravitaillement inexistant et à la solde précaire. Les hommes se nourrissent comme ils peuvent, et les gens d’armes s’en vont par bandes, sans congés, se transformant en pillards. Ils ravagent la campagne, entraînant les paysans dans leur misère. Les massacres de civils ou de militaires sont fréquents (la garnison protestante laissée à Saint-Léonard est massacrée un peu plus tard par la population). La guerre s’installe, bien souvent nourrie par les seigneurs locaux.
À Saint-Pol, comme dans tous les villages pris et repris, les habitants se cachent dans les souterrains-refuges ou se barricadent dans l’église et autres châteaux, et les paysans n’osent plus se rendre dans leurs champs.

Saint-Pol est en outre siège d’un archiprêtré, desservi par une communauté de prêtres. Le village est probablement saccagé, comme le rapportent les textes, ce qui semble confirmé par le fait que les plus anciennes maisons du bourg datent de cette époque. Par bourg, il faut entendre un ensemble de constructions circonscrites autour de l’église entre les actuelles rues du Tambourinaire et du Moulin, autour de l’église. L’actuelle avenue de Limoges n’existe pas. Des lieux comme Artrat ou Les Rouchilloux, par exemple, sont encore des hameaux distincts.
Tout cela peut sembler éloigné mais il suffit bien souvent de flâner pour faire le lien avec ce passé révolu toujours présent dans les rues de ce Saint-Pol
tourmenté qui de-viendra ultérieure-ment notre Saint-Paul. L’architecture, manifestement militaire, de l’église (surtout son chevet) rappelle des temps plus difficiles et chacun peut voir encore, juste derrière la porte, l’emplacement de la poutre de bois permettant de barricader l’église lorsqu’on s’y réfugiait. Une autre mortaise du même type est visible dans l’ancien presbytère.

Mortaise derrière la porte d’entrée de l’église.


La présence de nombreux départs de souterrains sous les anciennes maisons du bourg (pour l’anecdote, l’un d’eux s’effondrera avenue de Limoges peu de temps avant le passage du Tour de France dans les années 70) témoigne d’autres temps. Contrairement à l’imagerie populaire, ces souterrains ne relient pas des châteaux entre eux (une légende locale rapporte même un souterrain depuis l’église jusqu’au château d’Aigueperse, soit une distance considérable sans raison). Beaucoup de ces souterrains, souvent très anciens, consistent en communication entre caves de différentes maisons. Ils sont souvent étroits et il faut parfois progresser à 4 pattes. D’autres sont de véritables souterrains-refuges creusés dans le tuff avec parfois une seule entrée, maçonnée ou défendue, qui permet à la population de se replier. Ils comportent généralement une source ou un point d’eau et permettent de stocker quelques provisions tout en se mettant à l’abri des hommes ou des éléments climatiques.Beaucoup ont été comblés ou murés depuis les années 70 mais rappellent une époque où il fallait parfois se cacher pour survivre.

Départ de souterrain muré, sous l’ancien presbytère, perpendiculaire au précédent.


Notes :
1. « Généalogie de la famille Germain de La Pomélie » par l’Abbé André LECLER, Limoges 1896. Traduction de l’ancien français par nos soins.
2 et 3. "Chronique de ce qui s’est passé en Limousin, Marche et pays circonvoisins, par un homme curieux, dit l’Anonyme de Saint-Léonard - 1548-1604.
4, 5 et 6. "Le passage de l’armée allemande du duc de Deux-Ponts dans la Marche et dans le Limousin en 1569" par Louis DUVAL (Ed. 1873). Réédité en 2016.




Le monument aux morts

L’inauguration officielle du monument aux morts a lieu le 6 novembre 1921, sous la mandature de M. Auguste Fougeras-Lavergnolle, maire de Saint-Paul de 1912 à 1925. L’édifice n’a pas encore l’aspect qu’on lui connaît puisque le muret qui l’entoure ne sera construit que l’année suivante.
La construction du monument de Saint-Paul avait été décidée en conseil municipal le 9 novembre 1919 : « Le conseil municipal est d’avis d’élever, dans le cimetière communal, un monument funéraire destiné à glorifier et à perpétuer le souvenir des enfants de Saint-Paul morts pour la France pendant la grande guerre de 1914-1918 ».
Au lendemain de la grande guerre, 70 natifs de Saint-Paul ont perdu la vie au front (tous ne figurent pas sur le monument de Saint-Paul, en fonction de leur lieu de résidence au moment de leur incorporation). Et parmi ceux qui sont revenus dans la commune, nombreux sont ceux qui conservent dans leur corps et leur esprit le souvenir des blessures, mutilations et autres gaz de combat. Entre 1911 et 1921, la population de la commune chute de 1894 à 1713 habitants, signe de l’hécatombe qui a saigné le pays.
La loi du 25 octobre 1919 consacrée « à la commémoration et à la glorification des morts pour la France au cours de la Grande Guerre » traduit une volonté nationale d’instaurer des monuments aux morts et des commémorations pour rendre hommage aux 1,3 millions de français décédés lors de la 1ère guerre mondiale. Dès lors, près de 35 000 monuments aux morts vont être érigés dans les communes entre 1920 et 1930 grâce à des financements de l’état, des communes et de particuliers via des souscriptions. Des monuments sont même disponibles sur catalogues.
Ces monuments répondent à la problématique du deuil et ce qu’on nomme à l’époque « la démobilisation des morts », autrement dit le droit pour les familles de récupérer le corps du défunt. Le soldat mort était inhumé dans des nécropoles à proximité du front, même si la généralisation de la plaque d’identification militaire pendant la guerre 14-18 permet souvent d’identifier les corps. Interdit dès les premiers mois du conflit, le transfert des corps des militaires morts durant la guerre et réclamés par leurs familles sera finalement autorisé en 1920. Le monument avec l’obligation d’inscrire le nom des morts dessus permet aux familles de faire le deuil dans un processus de mémoire collective qui va ressouder la communauté autour du monument. Les monuments aux morts revêtent donc deux fonctions principales : ils sont à la fois la tombe symbolique de ceux qui ont défendu la nation et ils désignent un lieu de commémorations publiques.

La place de l’église avant la guerre.

Initialement prévu dans le cimetière, le lieu d’implantation du futur monument donnera lieu à une séance un peu vive du conseil municipal de Saint-Paul le 27 juin 1920, aboutissant à un vote à bulletin secret qui désignera finalement la place devant l’église plutôt que le cimetière, par 6 voix contre 5 ! En fait, les élections municipales de fin 1919 sont passées par là, même si le maire n’a pas changé. Le monument remplacera donc une croix autrefois dressée devant l’église.
Le monument, construit pour rappeler la douleur au combat d’une génération sacrifiée, interpelle également sur d’autres aspects : depuis la loi de séparation de l’église et de l’état de décembre 1905, aucune réalisation dans l’espace public ne peut comporter de symbole religieux. Les monuments aux morts n’échappent pas à la règle, sauf s’ils sont implantés dans un cimetière. Ces édifices nous éclairent donc sur la situation sociale et politique de la commune après-guerre car ces autels laïcs et civiques sont porteurs d’une grande charge symbolique mais dont le sens peut varier d’une commune à l’autre, en fonction de leurs emplacements, formes, décors ou inscriptions.
Celui de Saint-Paul est l’œuvre de M. Henri Geay, architecte à Limoges. Le 28 novembre 1920, il présente 2 projets au conseil municipal et c’est celui à colonnes de granit qui est retenu. Un comité du monument aux morts sera ensuite désigné le 14 avril 1921 pour « percevoir les souscriptions mais encore payer tous les frais relatifs au monuments ». Cet aspect est important car la très grande majorité des monuments élevés à cette occasion le sont à l’initiative, ou au moins avec la participation financière des anciens combattants, qui représentaient 90 % des hommes de 20 à 50 ans en France dans l’entre-deux-guerres.

Le monument aux morts en 1921, avant la construction du muret qui l’entoure.

Original, le monument de Saint-Paul s’élève sur un socle de base hexagonale. Les six faces du bloc central portent les inscriptions et sont séparées par des colonnettes moulurées. L’ensemble portant une étonnante sculpture circulaire. L’inspiration antique, en vogue à cette époque, est très apparente. Il se distingue par ses colonnes : elles symbolisent la puissance et la stabilité mais aussi l’espérance. En se dressant vers les cieux, les colonnes représentent un trait d’union entre la terre et le ciel. Ainsi, elles revêtent un caractère sacré qui est l’essence même du monument aux morts. Il se singularise également par son absence d’épitaphe, contrairement à d’autres, aux discours parfois patriotiques ou au contraire pacifistes. Peu, voir aucun élément de nature artistique n’interfère entre le monument et ceux qui se souviennent. La seule présence des noms des disparus impose une certaine neutralité du message délivré par l’objet lui-même. Il n’est pas destiné à glorifier la victoire, mais à honorer ceux qui ont perdu la vie. Le coût est établi à 10 456,10 francs. Un emprunt de 4 300,00 francs est contracté, les souscriptions des particuliers se montent à 5 055,00 francs et la commune abonde le reliquat à hauteur de 1 101,10 francs. L’année suivante verra la construction du muret entourant le monument. L’architecte est à nouveau M. Geay et une nouvelle souscription est ouverte pour le financer (coût de l’opération 4 217,24 francs). Ne nous y trompons pas, cette ultime construction n’a rien d’anecdotique mais est au contraire, hautement symbolique : c’est la consécration du lieu de souvenir. Le lieu où on commémore les absents a été délimité. Il est devenu un enclos à caractère sacré où seul le magistrat municipal, les anciens combattants ou parfois les enfants des écoles, déclarés innocents, peuvent prétendre pénétrer. Cette parcelle de sol est désormais désignée comme sacrée aux yeux de tous.



Liste des Morts pour la France de la 1ère guerre mondiale nés à Saint-Paul :
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Le tramway

LE TRAMWAY A SAINT-PAUL

A la fin de l’année 1906 est présentée en conseil municipal l’avant projet de construction d’une ligne de tramway électrique de Limoges à Eymoutiers. Le conseil donne un avis très favorable puisque le projet « présente un grand intérêt au point de vue industriel et agricole et que sa réalisation apportera une amélioration sensible dans les communications et contribuerai notablement à la prospérité et l’agrément du pays » ( Conseil municipal du 23 décembre 1906).

La concession du réseau des Chemins de fer Départementaux de la Haute-Vienne (CDHV) fut accordée en 1907 et la compagnie des chemins de fer départementaux de la Haute Vienne (CDHV) créée le 29 novembre 1909. Sous la conduite de MM Loucheur et Giros, elle a pour but de construire un réseau de 4 lignes autour de Limoges d’une longueur totale de 345 km. Le réseau est déclaré d’utilité publique par décret du 3 avril 1909.

Après une longue phase de réflexion et de concertation, les travaux se déroulent en 1911-1912 et les lignes ouvertes progressivement entre 1911 et 1913. La ligne de Saint-Paul (ligne n°4) ouvre en 1912 entre Limoges et Eymoutiers, et en 1913 la ligne est parachevé jusqu’à Peyrat-le-Chateau.

Des le début, le projet suscite beaucoup d’attentes et d’espoirs puisque ces lignes desservent des régions rurales peuplées, agricoles et industrieuses, permettant d’escompter un trafic important tant en voyageurs qu’en marchandises en mettant Saint-Paul à 1 heure de trajet de Limoges. L’enjeu économique est en effet important, et tout le monde comprend que ces flux nouveaux vont modifier la vie des campagnes par la proximité induite entre la ville et les villages autour. Le tram est interconnecté avec les tramways de Limoges permettant une desserte cadencée. Une souscription est alors lancée a laquelle abonde la municipalité à hauteur de 100 francs.

Le sigle de la compagnie des chemins de fer départementaux de la Haute Vienne que l’on peut retrouver sur certaines constructions ou gares de l’époque.

Depuis 1909 les différentes variantes du réseaux sont soumises à l’étude des communes, ce qui suscitent moults débats, parfois virulents, quand à leur parcours, leurs implantations ainsi que celles des gares car personne ne veut rester à l’écart. On réclame ainsi de rapprocher la gare du bourg de Saint-Paul. De mème, initialement une variante fait passer le tramway par la Pomélie, sur la ligne de crête à la sortie de Saint-Paul en direction de Saint-Bonnet. Le conseil municipal insiste pour ramener la voie plus prés des hameaux les plus populeux comme la Boucole (qui compte alors plus de 80 habitants dont des sabotiers, coquetiers ou tisserand) et Beaumont, ou de bois en coupe réglée annuelle comme à Agueperse ou encore Pierrefiche. Il est également de l’intérêt de la compagnie de passer dans les endroits les plus populeux pour s’assurer un volume de marchandises et de voyageurs conséquent. C’est alors aux ingénieurs de trancher en fonction des possibilités techniques et financières, mais il y aura finalement un crochet fait avec une gare à Leycuras entre Saint-Paul et Saint-Bonnet.
Pour l’anecdote, d’autres demandes paraissent plus éloignées de l’intérêt publique Ainsi le conseil municipal reçoit une pétition (déjà !) organisé par un cabaretier situé à Chambord et qui sollicite un arrêt facultatif du tramway devant son établissement, en pleine cote ! Le conseil répondra poliment « ne pouvoir donner un avis favorable à cette pétition »….(conseil du 12 juin 1913). Vu le nombre de d’échoppes qui a cette époque faisaient également débit de boisons (plus d’une dizaine rien qu’a Saint-Paul), le tram n’était pas prêt d’arriver à son terminus à Peyrat !

La gare de Saint-Paul avec sa zone de chargement et déchargement derrière.

Les voies à écartement métrique (c’est a dire avec un écartement d’un mètre entre les rails) sont prévus entièrement en accotement, c’est à dire avec les rails posés sur (ou plutôt dans) la route, et ne quittent celle-ci que pour éviter des courbes trop serrées ou des rampes trop fortes (Un sentier de randonnée à Saint-Bonnet-Briance « le circuit du tramway » reprend le parcours de celui-ci). Les poteaux le long de la voie supportent les caténaires dans lesquels circule l’électricité alimentant la motrice via un pantographe.
La voie métrique fut la « vedette » des chemins de fer secondaires français, ou voies d’intérêt locale, car son coût était acceptable pour les finances départementales et son établissement technique permettait à ce type de voie de pénétrer au cœur des campagnes, de desservir au plus près les localités rurales selon le désir de leurs habitants.
En effet, à cette époque, seul le pas du cheval ou du bœuf rythmait la vie des campagnes et le développement routier était inexistant : Le mode ferroviaire d’intérêt local permet la mise en valeur des zones rurales. Le système métrique à traction électrique permettait des courbures et déclivités importantes, avec une installation en accotement, adapté au relief du limousin puisque le profil de ce réseau était très accidenté et la traction vapeur impossible sans multiplier les ouvrages d’art (en quittant le bords des routes) ce que le département ne pouvait supporter financièrement. Cela se faisait au détriment de la vitesse (20 à 25 km/h en moyenne) mais à l‘époque cela semblait adapté pour circuler sur la route et traverser des villages afin de limiter le risque d’accident.
Au dépôt de l’Aurence un agent, le « circulateur » règle la marche des trains et prend les décisions, informé en temps réel par une ligne téléphonique longeant la voie et reliant toutes les gares.

Les travaux vont bon train à partir de 1911 : Dans saint-Paul le pont de l’Anguienne trop étroit, est élargi pour laisser passer le tram, et ses anciens parapets en maçonnerie sont démontés pour être remplacés par des gardes fous en fer. La chaussée défoncée dans le bourg avec l’apparition de rails gênant la circulation des carrioles et des piétons donnera lieu à de vives colères, et devra être reprise. Rappelons que les routes ne sont pas asphaltées à l’époque et que les rails sont installés sur des chaussées plus ou moins bien empierrées...
Les travaux exigent un grand nombre d’ouvriers itinérant. De 300 à 400 journaliers sont nécessaires pour les travaux sur la commune, pour la plupart des ouvriers italiens ou espagnols payés à a tache. Le conseil municipal sollicite d’ailleurs la création temporaire d’un poste de deux gendarmes « pour prévenir les rixes et désordres  » le temps des travaux.(conseil du 8 août 1909).

La compagnie des chemins de fer Départementaux produisait sa propre électricité pour alimenter des motrices électriques utilisant le courant industriel de l’époque, et cela bien avant les grands réseaux. Elle était principalement fournis par l’usine hydroélectrique de Bussy-Varache près d’Eymoutiers. A elle seule, elle pouvait alimenter l’ensemble des 345 km du réseau. En période de bas étiage, une centrale thermique fonctionnant au charbon et à la vapeur était utilisée en complément pour produire l’électricité. Cela donna l’occasion au département de la Haute-Vienne d’être précurseur par l’utilisation du courant alternatif de 10 000 V, monophasé, à la fréquence industrielle de 25 Hz/s sur l’ensemble de son réseau. Ces choix technologiques novateurs faisait de la CDHV un producteur d’électricité permettant de vendre le surplus de production aux communes desservies par le tramways, en l’absence de tout autre réseaux existant à l’époque. Historiquement, l’installation de tramways électriques a souvent coïncidé avec l’introduction ou la rationalisation de la distribution d’énergie électrique dans la région desservie et à un début l’électrification des campagnes.
Les chemins de fers secondaires furent ainsi souvent des pionniers dans le domaine de l’électrification, d’ailleurs la commune de Saint-Paul décide en 1912 de faire installer « une lampe électrique de 50 bougies dans la salle de la mairie et comme le courant traverse les appartements de monsieur l’instituteur, d’en faire établir en même temps une deuxième dans la cuisine de ce fonctionnaire » (conseil du 11 août 1912). Rappelons que l’école des garçons se tenait dans l’actuelle mairie.

Un tramway en gare de Saint-Paul. Au premier plan, un wagon tombereau adjoint à la motrice.

L’irruption du tram modifie sensiblement la vie des campagnes : c’est un moyen pratique et peu cher avec des arrêts de villages en villages qui permet de les mettre en communications tout en transportant des marchandises et des voyageurs. Cela constituaient souvent le seul lien économique possible.
Des chefs de gare apparaissent (souvent des femmes) ainsi que des emplois gravitant autour de ces liaisons quotidiennes comme des commissionnaires qui munis de commandes d’habitants des villages, vont faire les emplettes à Limoges et les ramènent à leur commanditaires. Certains s’en vont vendre en ville des produits de la campagne (œufs, volailles, champignons, peaux de lapins…) .Ce flot va irriguer dans les deux sens les campagnes autour de Limoges. Et on transporte beaucoup de monde : 1 300 000 voyageurs sur l’ensemble du réseau dés 1912, et dans l’entre deux guerre, c’est plus de 2 000 000 par an. A titre d’exemple, au crépuscule du tramway, c’est à dire en 1948, dernière année complète de fonctionnement, le nombre de voyageurs transportés était encore de 1 349 116. Et en marchandises, le tonnage sorti de Limoges fut de 59 773 et celui entré de 30 349.

Un tram lourdement chargé sortant de Limoges en 1929.

Le matériel roulant est en effet constitué en majorité de wagons de marchandise, tombereaux couverts ou non, wagon plat, wagon spéciaux, puisqu’au delà des voyageurs le tramways véhicule beaucoup de fret dans les campagnes. De l’épicerie, des produits frais, des barriques de vins, colis divers mais aussi du bois notamment pour Limoges qui est alors en pleine expansion. Du bétail mais également du plâtre, du ciment et des matériaux de construction. Et parfois de l’argent, comme en décembre 1943, pendant l’occupation, ou un groupe de maquisards de Guinguoin intercepte le tramways à Saint-Bonnet et dérobe les sacs postaux contenant des fonds destinés à la perception d’Eymoutiers….

Ce réseau structurant, précurseur de la traction électrique, rendis de bons et loyaux service pendant prés de 40 ans et contribua au développement de bien des communes rurales en même temps qu’il apportait de l’électricité. Mais au début des années 30 la création de lignes d’autobus se multiplient et autour de 1936, les lignes de tramways les moins rentables sont supprimées, le réseau se réduisant à 276 km.

Le tramway connaitra un long déclin, victime de ses frais d’entretien et de son vieillissement notamment pendant la guerre, de sa faible vitesse, et de la concurrence de l’autocar. Jusqu’à la fermeture du trafic voyageur le 28 février 1949 et du trafic marchandise le 15 juin suivant.
L’arrivée de l’autobus (qui paradoxalement ne l’égalera pas en terme de desserte des petites et moyennes localités) et la pression ascendante de l’automobile individuelle condamnent le tramway qui est définitivement remplacé par les cars de la RDTHV en février 1949.
L’ensemble du réseau sera déposé en 1951 et 1952. Ne subsistent que quelques constructions et des poteaux réutilisés par EDF, et une petite portion de réseau dans le village martyr d’Oradour sur Glane.


Quelques images des tramways de la Haute-Vienne :

https://www.youtube.com/watch?v=hnW9KHFst3s&t=10s




La rue Jean-Paul Lafay

Si peu de voies de Saint-Paul portent le nom d’une personne, celle qui part perpendiculairement de l’avenue de Limoges pour longer le garage et rejoindre le plan d’eau porte le nom d’un ancien habitant de Saint-Paul, autrefois adjoint au maire, et au destin tragique : la rue Jean Paul Lafay.

D’une famille originaire de Pierre-Buffière, Jean-Paul Lafay s’installe à Saint-Paul, avenue de Limoges, en rachetant l’ancienne demeure du docteur Boussenaut à la fin des années 60. Marié, père de 2 enfants et vétérinaire de profession, il installe son cabinet dans une annexe de son domicile. Il prend la succession d’un autre vétérinaire de Saint-Paul, au même patronyme mais sans lien de parenté.

En 1971, il se présente aux élections municipales de Saint-Paul et devient l’adjoint de M. Roux, maire. De nature calme et peu bavard il prendra part aux réalisations de ce premier mandat très actif : école, création du lotissement du Métayer et aménagement du plan d’eau, nouveau bâtiment de la Poste… Réélu en 1977, toujours avec M. Roux, il quittera néanmoins Saint-Paul peu après pour la Corse.

Le premier contact avec la Corse remonte à 1964 par sa belle-famille. Il effectue un remplacement de vétérinaire sur l’île. De retour en Limousin, il gardera l’idée de s’y installer un jour.

L’opportunité se présente à la fin des années 70, où un vétérinaire prend sa retraite, et cède son cabinet et sa clientèle en Corse. Toute la famille part alors s’installer à Corte. Son histoire personnelle va alors rencontrer celle plus tourmentée des relations entre la France continentale et la Corse.Depuis les événements d’Aléria deux ans auparavant, et l’avènement du nationalisme corse moderne, les bombes explosent régulièrement sur l’Île de Beauté.

Installé à Corte, Jean-Paul Lafay connaît un début de carrière en Corse sans histoire, mais tout va bientôt changer. Il reçoit sa première lettre de racket à l’été 1982 puis diverses menaces.

Dans l’après-midi du 31 décembre 1982, c’est pour avoir refusé de se soumettre au chantage de l’impôt révolutionnaire que, dans son cabinet, le vétérinaire continental reçoit deux balles, à quelques heures du réveillon. Retrouvé dans une mare de sang, il est hospitalisé et s’en sort miraculeusement.

La photo du praticien sur son lit d’hôpital est à la Une de la plupart des journaux. Elle suscite une telle émotion que, deux jours plus tard, le gouvernement Français annonce la dissolution du FLNC.

Après l’attentat de la Saint-Sylvestre, Jean-Paul Lafay anime une association d’aide aux victimes du terrorisme puis en devient le président. Il ne mâche pas ses mots contre les nationalistes et la violence.

La violence, c’est encore le thème du débat organisé par FR3 le 16 juin 1987 dans ses studios d’Ajaccio. Et dans la nuit du 16 au 17, alors qu’il sort des studios après avoir participé à un débat contradictoire sur la violence, des tireurs attendent le vétérinaire : le docteur Jean-Paul Lafay est assassiné de plusieurs balles. On le verra mourir presque en direct à la télévision.

https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/cab87022326/attentat-lafay


Cet assassinat soulève l’indignation générale, en Corse comme sur le continent. Au Conseil des ministres, le 17 juin, le président de la république François Mitterrand souhaite que tous les moyens soient mis en œuvre pour frapper les coupables, tandis que Charles Pasqua, ministre de l’intérieur, déclare vouloir « mettre à la raison » les responsables du terrorisme.

Le 20, les obsèques du vétérinaire donnent lieu à une opération « Corse, île morte » à laquelle s’associent majorité et opposition. Élus de droite et de gauche se sont retrouvés pour les obsèques de Jean-Paul Lafay à Corte. Le maire de Saint-Paul et quelques proches de l’ancien vétérinaire de notre commune se rendent également sur place.

À partir du 23, et pour la première fois en Corse, les portraits de six nationalistes clandestins recherchés par la police sont affichés dans les lieux publics. Une récompense pouvant aller jusqu’à un million de francs est promise à toute personne qui peut fournir des renseignements.

Les assassins ne seront jamais retrouvés.

Dans le même temps, Saint-Paul voyait alors son aspect changer par les réalisations auxquelles Jean-Paul Lafay avait lui-même participé comme adjoint. La création d’un lotissement et du plan d’eau avait considérablement modifié et augmenté les volumes de circulation de véhicules dans le bourg. Il fallait alors désengorger le carrefour devenu dangereux en haut du bourg, entre la rue d’Artrat, l’avenue de Limoges et la rue du stade.

La commune avait fait l’acquisition en 1984 d’une maison très dégradée, et de la parcelle derrière-celle-ci, à hauteur du 38 avenue de Limoges. L’objectif est de démolir la maison et de créer une voie de communication entre l’avenue de Limoges et la rue du stade, et ainsi déplacer la circulation.

Les travaux seront pour la plupart réalisés en régie par les employés communaux. Bientôt il faudra donner un nom à cette nouvelle voie.

Donner un nom à une rue, ce n’est pas anodin. C’est fait pour rester dans le temps. Et sauf exception, on ne donne pas le nom d’une personnalité vivante.

Concrètement, les propositions des noms des rues peuvent venir de n’importe quel habitant. C’est ensuite au maire et au conseil municipal de trancher. Aucun article de loi ne régit cette procédure, tout comme il n’est pas obligatoire de nommer les bâtiments publics.

La route nouvellement construite entrera en service quelques temps après le décès du Dr Lafay et portera assez logiquement, sur décision de conseil municipal, le nom de son serviteur tragiquement disparu.